Une feuille de route pour la décarbonation de la logistique ?
Nous avons peut-être l’impression de vivre dans un monde toujours plus numérique, avec une part croissante du commerce et de la communication menée dans la sphère en ligne, relativement respectueuse de l’environnement. Mais derrière chaque interaction et chaque transaction en ligne se cache une chaîne d’approvisionnement hors ligne beaucoup plus vaste et plus complexe. Une chaîne d’approvisionnement qui, historiquement du moins, n’est certainement pas aussi écologique.
Chaque achat que nous effectuons, que ce soit en ligne ou non, doit être transporté vers son lieu d’utilisation. Les marchandises doivent être physiquement déplacées de leur lieu de production jusqu’aux maisons, usines et sites où elles sont nécessaires, que ce soit par voie routière, aérienne, maritime ou ferroviaire. Et le transport, de manière générale, est synonyme d’émissions de carbone. Alors, comment pourrions-nous décarboner la charge logistique du transport de marchandises ?
Tout d’abord, nous devons accepter l’ampleur du problème. On estime que l’industrie du fret représente environ 8 % de la totalité du CO2 libéré chaque année.[1] Sans une intervention rapide, il est peu probable que le problème ne s’atténue. Selon les données de l’OCDE, les émissions de CO2 provenant du fret international devraient atteindre 8,132 MT d’ici 2050, soit près de quatre fois plus que les 2,108 MT émis en 2010.[2]
Obtenir ce que nous voulons, quand nous le voulons et où nous le voulons, coûte très cher à l’environnement.
Dans l’ombre de la COP26, les leaders de l’industrie et les législateurs commencent à se réunir pour s’attaquer à l’urgence climatique. Cela signifie que l’industrie du fret, comme toutes les autres, doit être examinée à la loupe pour trouver des solutions écologiques… un secteur à la fois.
Alors, quelles sont les victoires faciles, et les longues batailles à venir, qui peuvent nous aider à maintenir notre niveau de vie tout en équilibrant le bilan environnemental du réseau logistique mondial gourmand en ressources ?
Le long-courrier pour dépolluer le transport routier
Le transport dans son ensemble est l’un des principaux contributeurs au réchauffement climatique, responsable de plus d’un cinquième de toutes les émissions de gaz à effet de serre dans le monde[3]. Dans les transports, 22 % de tous les polluants sont engendrés par une seule activité : le transport routier.[4]
Une étude plus approfondie des chiffres est encore plus incriminante, montrant que les poids lourds (PL) représentant environ un quart des émissions routières mondiales, bien qu’ils ne comptent que pour 1 % de tous les véhicules.[5] Le transport routier laisse une empreinte carbone disproportionnée, émettant environ 100 fois plus de CO2 par kilomètre qu’un navire transportant une cargaison équivalente.[6]
D’après le Forum économique mondial (FEM), seul un effort conjoint englobant les gouvernements, les constructeurs de véhicules et les concepteurs d’infrastructures pourrait permettre à l’industrie du transport de prendre un virage décisif vers une durabilité abordable.
Sur la base des preuves actuelles du FEM, les véhicules électriques à batterie (BEV) commencent à avoir du sens pour l’environnement. Les chercheurs ont examiné trois étapes de la durée de vie d’un véhicule pour comparer l’empreinte carbone des véhicules électriques aux moteurs à combustion interne (ICE) traditionnels : production du véhicule, transfert de carburant (du puits au réservoir) par rapport à la production de batterie, et émissions de conduite.
Sur les trois principaux marchés, l’UE, les États-Unis et la Chine, les polluants combinés tout au long de la durée de vie d’un véhicule se sont avérés inférieurs pour les BEV que pour les ICE moyens. De plus, étant donné que l’écrasante part des polluants des BEV provient de la production d’électricité, alors que le réseau lui-même devient de plus en plus décarboné, l’écart de durabilité entre les BEV et les ICE deviendra de plus en plus prononcé. En fait, d’ici 2030 dans l’UE, le véhicule électrique moyen émettra moins de 100 g/km de CO2, soit moins de la moitié d’un moteur ICE typique.[7]
Si l’on s’éloigne de l’argument environnemental, les prix d’achat des camions électriques, un facteur de dissuasion traditionnel pour l’adoption en masse jusqu’à présent, devraient continuer à devenir plus compétitifs. Les prix des BEV ont chuté de 85 % au cours de la dernière décennie et devraient de nouveau diminuer de moitié d’ici 2030, où les camions électriques devraient devenir 12 % moins chers à l’achat et à l’exploitation que les équivalents diesel.
Et les préoccupations concernant l’autonomie ? Elles ne seront pas éternelles. D’ici cinq ans, des batteries plus grosses permettront des trajets de 800 km pour des camions de 40 tonnes avec une seule charge. En fin de compte, c’est le marché qui parlera.
La législation et la politique publique en général peuvent aider à accélérer ce qui est aujourd’hui le déclin inévitable du transport routier alimenté par les combustibles fossiles. Le gouvernement britannique, par exemple, a décrété que tous les camions de moins de 26 tonnes devront être à émission zéro d’ici 2035, les véhicules plus lourds devenant sans carbone d’ici 2040.[8] La Norvège vise à y parvenir en premier, en investissant dans un réseau complet de chargeurs à grande vitesse dans son désir de devenir la première nation dotée d’un réseau de transport entièrement électrifié.[9]
La COP26 a vu 30 pays rejoindre le nouveau Conseil de la transition vers les véhicules à zéro émission (ZEVTC), signalant ainsi une initiative commune visant à explorer diverses options technologiques pour des poids lourds propres et écologiques.[10] En parallèle, un nouveau fonds, coordonné par la Banque mondiale, a été convoqué pour aider à décarboner le transport routier dans les pays du sud en voie de développement.[11]
Bien qu’il puisse s’écouler un certain temps avant que les camions électriques dominent les autoroutes, les constructeurs comme Tesla[12], Volvo[13], Scania[14] et Kenworth[15] ont tous annoncé des projets de modèles électriques, ce qui signifie que les camions électriques sont en route vers nos routes.
L’énergie hydrogène pourrait avoir un rôle à jouer, bien que plus petit, dans l’avenir du transport routier, avec des piles à combustible à hydrogène de haute capacité qui complètent potentiellement les besoins longue distance des réseaux de transport routier.
Il n’est donc guère surprenant que les gouvernements du monde entier consacrent des ressources à l’hydrogène vert, alors que le Royaume-Uni, l’Allemagne, le Japon et l’Australie ont tous dévoilé des stratégies en matière d’hydrogène ces dernières années. Les Pays-Bas prévoient de rendre opérationnels 500 MW d’électrolyseurs verts d’ici 2025, et le Portugal prévoit d’installer une nouvelle usine alimentée à l’énergie solaire pour produire de l’hydrogène vert d’ici 2023.[16]
En Europe, épicentre d’une grande partie de l’engouement autour de l’hydrogène, la Commission européenne (CE) a identifié l’hydrogène vert comme ingrédient clé pour atteindre l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050.
La stratégie en plusieurs phases de la CE comprend :
- l’installation de 6 GW au minimum d’électrolyseurs d’hydrogène renouvelable dans l’Union européenne (UE) d’ici 2024, produisant jusqu’à un million de tonnes d’hydrogène renouvelable ;
- l’installation de 40 GW au minimum d’électrolyseurs, produisant jusqu’à dix millions de tonnes d’hydrogène renouvelable, entre 2025 et 2030 ;
- le déploiement de technologies utilisant l’hydrogène à grande échelle dans tous les secteurs « difficiles à décarboner » entre 2030 et 2050[17].
En vue d’anticiper le potentiel de l’hydrogène, la CE a lancé un nouveau partenariat appelé l’Alliance européenne pour un hydrogène propre (ECHA). L’ECHA réunit des leaders nationaux et régionaux, des banques et des chefs d’entreprise afin de sécuriser un pipeline d’investissement pour mettre à l’échelle la production d’hydrogène vert.
Du point de vue du coût, l’élan est résolument en faveur de l’hydrogène. La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) note que l’hydrogène vert coûte actuellement entre 3 et 6 USD par kilogramme, mais qu’il pourrait atteindre environ 1,50 USD par kilogramme d’ici 2050, ce qui est comparable au gaz naturel.[18]
Le changement ne peut pas se produire du jour au lendemain. Il faut en faire plus pour se préparer à la généralisation du transport routier sans carbone. Prenez l’infrastructure. À l’heure actuelle, le déploiement des réseaux de recharge diffère d’un pays à l’autre, même si les conducteurs de camions électriques long-courriers devraient pouvoir accéder à des installations de recharge des deux côtés d’une frontière. Pour lutter contre ces disparités et maximiser l’opportunité, le FME demande des protocoles logiciels communs et des connecteurs universels pour les véhicules et les chargeurs.[19]
Pourtant, le secteur du transport routier pourrait s’avérer plus agile face au changement que le transport maritime mondial. En effet, les navires sont construits pour durer des décennies et la créativité est de mise lorsqu’il s’agit de réduire les émissions de carbone.
Le transport maritime vogue vers un avenir plus propre
Le secteur du transport maritime représente environ 2,5 % de la pollution mondiale, soit concrètement environ 940 millions de tonnes de CO2 par an. Il est à la fois fondamental pour nos sociétés (90 % des marchandises sont à un moment déplacées par voie maritime) et difficile à électrifier.[20] S’il continue de suivre sa trajectoire actuelle, et que les volumes des échanges continuent d’augmenter, le transport maritime pourrait représenter environ un dixième de toutes les émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050.[21] À cette date, l’Organisation maritime internationale (OMI) vise plutôt à réduire la production de CO2 de l’industrie de moitié.[22]
Comme toujours, la voie vers cet objectif se situe à la croisée entre la technologie et la politique.
La Coalition Getting To Zero du Global Maritime Forum, une alliance de plus de 150 sociétés privées des secteurs de la mer, des infrastructures, de l’énergie et de la finance, vise à rendre les navires de haute mer à zéro émission commercialement viables d’ici 2030.[23]
Pour y parvenir, cela implique non seulement d’apporter des changements aux navires, mais également (comme pour le transport routier) des changements dans la future chaîne d’approvisionnement en carburant pour rendre l’énergie à zéro émission économiquement compétitive. Ainsi, la coalition Getting to Zero plaide en faveur d’investissements plus importants des gouvernements et du secteur privé dans des projets énergétiques zéro carbone, en particulier dans les pays en développement où les principales sources d’énergie renouvelable restent inexploitées.
Le FME, quant à lui, appelle à de nouvelles politiques encourageant les propriétaires de navires, les opérateurs et les fournisseurs de carburant à prendre une direction qui stimule les investissements dans les nouveaux carburants et les nouvelles technologies pour rendre possible une flotte zéro émission.[24] Ces mesures comprennent la fixation d’un prix adéquat sur les émissions de CO2 sur la base d’une analyse du cycle de vie complet pour décourager l’utilisation de combustibles fossiles facilement disponibles.
Les législateurs à travers le monde commencent à coordonner leurs efforts.
Lors de la COP26, 22 pays, dont le Royaume-Uni et les États-Unis, ont signé la Déclaration de Clydebank, un accord visant à établir six « couloirs d’expédition écologiques » (itinéraires entre deux ports ou plus adaptés aux navires zéro émission) dans le monde d’ici 2025.[25]
La technologie peut aider à sceller le débat économique, mais les carburants alternatifs et les systèmes de stockage d’énergie pour les navires de mer restent à différents stades de développement et lents à déployer.[26]
Les navires fonctionnant au gaz naturel liquéfié commencent progressivement à apparaître dans les flottes, mais avec une intensité carbonique seulement 30 % inférieure à celle du fioul lourd (HFO), le gaz naturel liquéfié est considéré comme un carburant de transition sur la voie des objectifs 2050, plutôt que comme une solution à long terme.[27]
L’hydrogène vert et l’ammoniac sont plus propres, mais doivent être davantage raffinés pour qu’ils soient véritablement viables à l’échelle du transport de cargaisons. Les deux ont des densités d’énergie bien plus faibles que le fioul lourd, ce qui implique plus d’arrêts de ravitaillement ou un espace de chargement compromis. L’hydrogène nécessite également d’être stocké à des températures ultra-basses.
Nous n’en sommes qu’au début. L’année dernière seulement, l’entreprise norvégienne Norled a pris livraison du premier ferry de passagers à l’hydrogène au monde, lancé pour naviguer dans les fjords du pays.[28]
Indépendamment de ces expériences préliminaires, l’hydrogène et l’ammoniac actuellement produits ne sont pas suffisants pour répondre aux exigences de l’industrie mondiale du transport maritime. Cela est en partie dû à leurs coûts de production élevés. Inévitablement, et à mesure que l’énergie renouvelable peu coûteuse devient plus accessible, les prix devraient baisser et l’offre augmenter pour satisfaire un nouveau marché en demande.
Dans une récente enquête réalisée par Deloitte et Shell, 65 % des personnes interrogées dans le secteur du transport maritime estimaient que l’hydrogène vert constituerait une part importante du futur bouquet énergétique du secteur, 55 % espérant la même chose pour l’ammoniac vert.[29]
Les piles à combustible nouvelle génération offriront un jour de nouvelles façons de stocker l’énergie des combustibles verts tels que l’hydrogène et l’ammoniac d’une manière sûre, abordable et plus compacte. Selon certaines estimations, il faudra encore attendre cinq à dix ans pour que ces solutions se concrétisent, mais elles pourraient changer la donne à mesure que la technologie évolue.
Pendant ce temps, la compagnie de transport maritime japonaise NYK Line s’efforce de démontrer le bien-fondé d’une industrie maritime fonctionnant à l’électricité. [30]
En 2012 déjà, son navire NYK Apollo, équipé d’un conteneur d’alimentation maritime alternative de 6,6 kV, est devenu le premier du pays à se connecter à l’alimentation électrique à terre du port d’Oakland lorsqu’il est amarré, éliminant ainsi la pollution atmosphérique causée par les générateurs embarqués pendant sa période à quai.[31]
Aujourd’hui, NYK a signé un accord avec une autre société japonaise, PowerX, pour développer et tester les navires de transfert d’énergie Power ARK et les solutions de stockage d’énergie marine (ESS).
PowerX construit actuellement son trimaran automatisé Power ARK pour le transport de l’énergie éolienne offshore depuis les parcs éoliens dans les eaux côtières profondes du Japon. Après les tests, le trimaran devrait entrer en exploitation en 2025 et transporter une cargaison de 100 batteries de réseau, soit suffisamment d’énergie pour alimenter 210 000 foyers.[32]
PowerX espère que le premier navire de sa flotte, capable de parcourir jusqu’à 300 km à l’électricité uniquement, s’avérera essentiel pour débloquer la transmission d’énergie propre entre les continents et accélérer la transition vers des navires à zéro émission et l’automatisation.
S’exprimant sur cet accord de partenariat, Tomoyuki Koyama, directeur général de NYK, a décrit les batteries marines comme « primordiales pour résoudre les obstacles liés à l’adoption et à l’expansion des énergies renouvelables ».[33]
Une réflexion aussi radicale pourrait également contribuer à diminuer l’impact environnemental du secteur du transport aérien.
Transport aérien : les carburants durables prennent de l’altitude
L’industrie de l’aviation représente dans son ensemble environ 2,5 % des émissions mondiales de carbone et dégage environ un milliard de tonnes de CO2 dans l’atmosphère chaque année. [34] Elle représente pourtant une composante vitale du réseau logistique mondial, transportant 35 % de la valeur commerciale mondiale dans seulement 1 % de son volume.[35]
Une nouvelle recherche suggère que l’aviation contribuera directement à hauteur de 0,1 °C au réchauffement climatique d’ici 2050. Cependant, l’industrie pourrait intervenir et arrêter complètement cette hausse si l’on trouvait un moyen de passer à un mélange de combustibles neutres en carbone à 90 % d’ici là.[36]
Les systèmes de propulsion alternatifs, tels que les avions électriques ou à hydrogène, sont actuellement considérés comme peu avancés sur le plan technologique, en particulier concernant le poids des cargaisons et les distances que l’industrie logistique requiert.[37] La question de savoir comment décarboner le transport aérien devient donc celle de trouver un carburant propre adapté aux exigences élevées de l’aviation.
Les carburants durables d’aviation (SAF) peuvent réduire jusqu’à 80 % les émissions de l’aviation et sont compatibles en tant que carburant mélangé avec les avions existants. Mais comme ils sont jusqu’à huit fois plus chers que les carburants conventionnels, les SAF ne représentent actuellement que 1 % des 300 millions de tonnes de carburants d’aviation consommés chaque année.[38]
Cette transition doit être davantage stimulée, au vu du scénario de développement durable de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) prévoyant que les biocarburants représentent environ 10 % du carburant aviation d’ici 2030, et près de 20 % d’ici 2040.[39]
Les SAF actuels sont produits à partir de matières organiques telles que les huiles usagées d’origine végétale et animale. Les scientifiques espèrent un jour créer des SAF synthétiques en utilisant le CO2 dégagé lors d’autres processus industriels et de l’hydrogène récolté à partir de sources à faibles émissions.[40]
Parmi d’autres SAF récemment approuvés pour étude par l’American Society for Testing and Materials (l’autorité de certification des SAF), citons un kérosène paraffinique synthétique (SPK), pour des mélanges de carburants jusqu’à 50 %, et un kérosène iso-paraffinique synthétique (SIP), pour des mélanges jusqu’à 10 %.[41]
Si la recherche sur les biocarburants pour l’aviation a encore beaucoup de chemin à parcourir, la volonté politique semble au moins se mobiliser derrière le mouvement. Lors de la COP26, 23 pays, dont les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni, ont formé une Coalition internationale pour l’ambition climatique de l’aviation pour aider le monde à atteindre son objectif de zéro émission en 2050 en réduisant les émissions de l’aviation et en encourageant l’adoption d’avions plus économes en carburant.[42]
La coalition, qui reconnaît que le transport aérien devrait augmenter de manière significative ces 30 prochaines années, vise à garantir que le secteur de l’aviation fasse du développement durable la pierre angulaire de sa reprise après la COVID. Dans le cadre d’une approche multi-niveaux, les pays membres se sont engagés à soutenir le Plan de compensation et de réduction du carbone pour l’aviation internationale (CORSIA) et à promouvoir le développement des SAF afin de réduire les émissions du cycle de vie.
En 2020, le gouvernement britannique a dévoilé son propre Conseil Jet Zero, réunissant des chefs d’entreprise et des ministres de l’industrie dans le but de décarboner l’aviation. La « révolution industrielle verte » du gouvernement comprenait également un concours de 15 millions de livres (20,2 millions USD) pour soutenir la production de SAF au Royaume-Uni, une consultation sur le mélange obligatoire de carburants verts dans le kérosène à partir de 2025, et 15 millions de livres supplémentaires (20,2 millions USD) pour une étude de 12 mois sur des avions à zéro émission capables de décoller d’ici 2030.[43]
L’hydrogène vert, provenant de la combustion directe ou d’une pile à combustible, pourrait-il fournir une technologie de propulsion alternative pour l’industrie aérienne ? C’est un « oui » prudent, mais nous n’en sommes qu’aux prémices.
De manière significative, dans un secteur sensible au poids comme l’aviation, l’hydrogène contient plus de cent fois plus d’énergie (par unité de masse) que les batteries lithium-ion, et plus de trois fois plus d’énergie que le kérosène ordinaire.[44]
En 2020, un Piper M-Class à six places, adapté par ZeroAvia pour fonctionner à l’hydrogène, a effectué son vol inaugural depuis l’aéroport de Cranfield au Royaume-Uni, ce qui constitue le premier décollage d’un avion commercial à hydrogène du pays. Une deuxième version de l’appareil pourrait transporter environ 20 personnes sur 560 kilomètres. D’ici 2026, ZeroAvia vise des distances de vols allant jusqu’à 800 kilomètres avec des avions de 80 places.
Pour aller plus loin, le géant de l’industrie, Airbus, se penche également sur l’hydrogène pour lancer sa gamme d’avions commerciaux propres. L’entreprise espère que ses trois avions hybrides à hydrogène (utilisant de l’hydrogène liquide comme carburant et générant de l’électricité via des piles à combustible à hydrogène) pourraient entrer en exploitation commerciale d’ici 2035.
Le premier concept est celui d’un avion à hélice capable de transporter 100 personnes sur 1 600 kilomètres ; le deuxième celui d’un avion à réaction transportant deux fois plus de passagers sur 3 200 kilomètres ; et le troisième est une conception à voilure mixte d’une capacité non spécifiée.
Les défis techniques du vol alimenté à l’hydrogène sont multiples, en grande partie parce que l’hydrogène a besoin d’un refroidissement à -253 ̊C pour être stocké sous forme comprimée ou liquide. Cela implique l’utilisation de réservoirs encombrants à bord, ce qui réduit le nombre de passagers, ou la construction de plus grandes cellules soumises à une plus grande traînée, sans mentionner les nouvelles infrastructures dans les aéroports.
Les arguments technologiques et commerciaux en faveur de l’aviation électrique sont encore plus timides. Même les piliers de l’industrie aéronautique estiment que le monde est encore très loin de faire voler de gros avions électriques, en raison de l’énorme poids des batteries contenant suffisamment d’énergie pour les vols long-courriers.[45] De petites avancées dans la direction d’un transport électrique sont déjà amorcées, mais à des échelles qui seront peu utiles pour les transporteurs de fret dans un avenir proche. En 2019, la compagnie d’hydravion canadienne Harbour Air a enregistré le premier vol commercial entièrement électrique au monde, un trajet d’une demi-heure pour un DHC-2 de Havilland Beaver six passagers de 750 chevaux. Aux États-Unis, la NASA travaille sur la batterie et la conception d’un bi-place entièrement électrique X-57, avec une autonomie de 160 kilomètres et une vitesse de croisière de 277 km/h, une tentative ambitieuse pour stimuler le développement de la technologie nécessaire.
En fin de compte, l’industrie aéronautique pourrait se retrouver à graviter autour d’une solution hybride, associant un moteur à réaction à un moteur électrique pour une propulsion plus propre, mais pas totalement sans émission.
La technologie pour un transport aérien véritablement neutre est peut-être encore au stade embryonnaire, mais les enjeux majeurs du changement climatique garantiront des efforts continus pour décarboner l’aviation. Comme pour toutes les initiatives mondiales en matière de développement durable, il est essentiel de s’appuyer sur l’expertise du secteur privé pour exploiter pleinement le potentiel des politiques publiques de soutien.
Libérer la logistique des combustibles fossiles
Alors que certaines voies techniques vers une solution sans carbone ne sont pas encore disponibles sur le marché, il n’est pas étonnant que l’AIE déclare que « la réduction des émissions de CO2 dans le secteur des transports au cours du prochain demi-siècle sera une tâche formidable ».[46]
Il est certain que les secteurs du transport maritime, de l’aviation et, en particulier, du transport routier, ont un long chemin à parcourir pour rivaliser avec la réputation environnementale du transport ferroviaire. Avec sa capacité à déplacer de grands tonnages le long des réseaux qui, au moins dans les pays développés, sont déjà largement électrifiés, le chemin de fer représente seulement 1 % des émissions globales du transport, même lorsque les chiffres du fret et des passagers sont combinés.[47]
Dans la lutte contre le changement climatique, l’unité mondiale est essentielle. C’est pourquoi la Journée du transport de la COP26, le 10 novembre 2021, a donné de l’espoir à ceux qui s’efforcent de décarboner le secteur logistique.
Outre la Déclaration de Clydebank et la Coalition internationale pour l’ambition climatique de l’aviation mentionnées ci-dessus, la Journée du transport a été l’occasion de dévoiler deux autres initiatives de mobilité majeures qui un reçu un large soutien : le Protocole d’accord sur les véhicules moyens et lourds à zéro émission (qui vise 30 % de ventes de camions neufs à émissions nulles d’ici à 2030 et à les porter à 100 % d’ici à 2040) et la Déclaration sur l’accélération de la transition vers des voitures et des camionnettes à zéro émission (qui garantit que tous les nouveaux véhicules fonctionneront avec un carburant non fossile d’ici à 2040).[48]
À l’intersection de ces différents accords, on trouve le Canada, la Finlande, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, la Norvège, le Danemark et le Royaume-Uni, chacun signataire des quatre initiatives.
Les acteurs du secteur privé comme Abdul Latif Jameel sont enthousiastes à l’idée de rejoindre cette quête internationale d’une chaîne logistique sans carbone.
La famille Jameel, par l’intermédiaire de JIMCO, a déjà investi dans la société pionnière de véhicules électriques RIVIAN, qui repousse les limites de la technologie BEV avec sa gamme de véhicules utilitaires et de camionnettes de livraison électriques. Elle concentre également son attention en amont, sur l’énergie nécessaire pour alimenter l’avenir électrique du transport. FRV-X, par exemple, la branche d’innovation de Fotowatio Renewable Ventures (FRV), une entreprise phare d’Abdul Latif Jameel Energy dans le domaine des énergies renouvelables, déploie ses recherches pionnières dans le stockage de l’énergie sur batterie pour faire progresser la cause de l’électrification, ainsi que des projets de bus et de taxis à hydrogène.
En septembre 2021, FRV-X s’est lancé dans son troisième projet de stockage de batteries à grande échelle, à Clay Tye, Essex, Royaume-Uni, développé en partenariat avec Harmony Energy.
D’une capacité de 99 MW/198 MWh, il s’agit du plus grand système de stockage d’énergie sur batterie en construction au Royaume-Uni.
Clay Tye s’appuie sur le succès des précédents projets de stockage sur batterie de FRV-X au Royaume-Uni ; le projet Contego (Sussex) de 34 MW intègre un système de 28 batteries lithium-ion Tesla Megapack. Parallèlement, la centrale de batteries de 7,5 MW située à Holes Bay (Dorset), stocke l’énergie du réseau national britannique afin d’assurer la flexibilité de l’approvisionnement pendant les heures de pointe, contribuant ainsi à la stabilité du réseau et soutenant le plan de décarbonisation de la Grande-Bretagne.
Abdul Latif Jameel est également impliqué dans des efforts à travers le monde pour générer une électricité verte véritablement propre, le type de ressources énergétiques nécessaires à cette vision d’un réseau logistique interconnecté à zéro émission. Présents sur cinq continents, les experts en énergie solaire de FRV ont développé une cinquantaine de centrales d’énergie renouvelable dans le monde, gérant un portefeuille de plus de 2,5 GW sur les marchés solaires en Australie, au Moyen-Orient, en Inde, en Afrique, aux États-Unis et en Amérique latine. La branche développe également un projet hybride de stockage solaire et sur batterie de 5 MW dans la région de Dalby dans le Queensland, en Australie, le premier projet hybride du pays.
L’énergie éolienne jouera également un rôle essentiel dans tout paysage énergétique vert, c’est pourquoi les équipes de FRV explorent actuellement le potentiel de production d’énergie dans des nouveaux sites et des sites de friche industrielle à travers le monde.
En parallèle, Abdul Latif Jameel Logistics et son service national de livraison du dernier kilomètre, S-Mile, explorent un certain nombre de solutions de mobilité intelligente dans le cadre de leur stratégie 2022-2024.
Les entreprises examinent l’introduction de modes de livraison écologiques numériques en Arabie saoudite avec un éventail de possibilités, notamment les camions et les camionnettes de livraison autonomes, les drones et les systèmes PUDO (enlèvement et dépôt) au lieu d’une livraison directe.
Elles étudient des opportunités de partenariat avec un certain nombre d’acteurs internationaux, dès que l’environnement réglementaire permettra de tels liens, une initiative actuellement en cours de discussion au ministère saoudien des Transports. En plus des avantages évidents du zéro net, la stratégie s’aligne également sur les objectifs de la Vision 2030 du pays pour positionner stratégiquement l’Arabie saoudite en tant que centre logistique mondial.
« Bien que nous reconnaissions tous les impératifs écologiques de la localisation en termes de production et de consommation, il n’en reste pas moins que dans la société intégrée d’aujourd’hui, les biens doivent encore être transférés en grands volumes entre les fabricants et les marchés », déclare Fady Jameel, président délégué et vice-président d’Abdul Latif Jameel.
« Les technologies existent maintenant pour diluer la contribution du fret aux émissions du transport, mais ces technologies doivent être perfectionnées et rendues plus économiques dans les années à venir, alors que nous sommes confrontés à la menace universelle du réchauffement climatique. »
« Un secteur privé innovant, actif dans un environnement politique favorable, peut aider à surmonter ces défis exceptionnels et à faciliter la transition de la logistique vers des systèmes de propulsion propres et des éco-carburants. Comment mieux préserver notre mode de vie et protéger la planète pour les générations à venir ? »
[1] https://climate.mit.edu/ask-mit/how-can-carbon-emissions-freight-be-reduced
[2] https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/cop-pdf-06.pdf
[3] https://www.iea.org/data-and-statistics/charts/global-energy-related-co2-emissions-by-sector
[4] https://www.statista.com/statistics/1185535/transport-carbon-dioxide-emissions-breakdown/
[5] https://www.eea.europa.eu/publications/emep-eea-guidebook-2019
[6] https://climate.mit.edu/ask-mit/how-can-carbon-emissions-freight-be-reduced
[7] https://www.weforum.org/agenda/2021/08/how-to-decarbonize-heavy-duty-transport-affordable/
[8] https://www.gov.uk/government/news/uk-confirms-pledge-for-zero-emission-hgvs-by-2040-and-unveils-new-chargepoint-design
[9] https://www.theguardian.com/business/2021/jan/09/norways-electric-car-drive-belies-national-reliance-on-fossil-fuels
[10] https://ukcop26.org/zero-emission-vehicles-transition-council-2022-action-plan/
[11] https://www.worldbank.org/en/topic/transport/brief/global-facility-to-decarbonize-transport
[12] https://www.tesla.com/semi
[13] https://www.volvogroup.com/en/news-and-media/news/2020/nov/news-3820395.html
[14] https://www.electrive.com/2020/09/15/scania-launches-sales-of-bev-phev-trucks/
[15] https://electrek.co/2020/09/13/kenworth-electric-trucks/
[16] https://www.ebrd.com/news/2020/is-green-hydrogen-the-sustainable-fuel-of-the-future-.html
[17] https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/ip_20_1259
[18] https://www.ebrd.com/news/2020/is-green-hydrogen-the-sustainable-fuel-of-the-future-.html
[19] https://www.weforum.org/agenda/2021/08/how-to-decarbonize-heavy-duty-transport-affordable/
[20] https://www.ukri.org/news/shipping-industry-reduces-carbon-emissions-with-space-technology/
[21] https://www.theguardian.com/world/2021/sep/20/global-shipping-is-a-big-emitter-the-industry-must-commit-to-drastic-action-before-it-is-too-late
[22] https://www.ukri.org/news/shipping-industry-reduces-carbon-emissions-with-space-technology/
[23] https://www.globalmaritimeforum.org/getting-to-zero-coalition/
[24] https://www.weforum.org/agenda/2021/05/decarbonising-shipping-the-time-to-act-is-now/
[25] https://www.gov.uk/government/publications/cop-26-clydebank-declaration-for-green-shipping-corridors/cop-26-clydebank-declaration-for-green-shipping-corridors
[26] https://www2.deloitte.com/global/en/pages/energy-and-resources/articles/decarbonising-shipping.html
[27] https://www.bbc.co.uk/news/uk-scotland-51114275
[28] https://hydrogen-central.com/lmg-marin-first-hydrogen-powered-ferry-delivered-norwegian-owner-norled/
[29] https://www.shell.com/promos/energy-and-innovation/decarbonising-shipping-all-hands-on- deck/_jcr_content.stream/1594141914406/b4878c899602611f78d36655ebff06307e49d0f8/decarbonising-shipping-report.pdf
[30] https://www.offshorewind.biz/2021/08/19/transporting-offshore-wind-electricity-by-automated-ships-a-new-concept-emerges-in-japan/
[31] https://www.nyk.com/english/news/2012/NE_121031.html
[32] https://splash247.com/nyk-joins-powerx-in-developing-electric-vessels/
[33] https://www.offshorewind.biz/2022/02/02/power-x-forms-strategic-business-alliance-with-nyk-line/
[34] https://ourworldindata.org/co2-emissions-from-aviation
[35] https://www.atag.org/facts-figures.html
[36] https://iopscience.iop.org/article/10.1088/1748-9326/ac286e
[37] https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/decarbonising-air-transport-future.pdf
[38] https://www.weforum.org/agenda/2021/09/aviation-flight-path-to-net-zero-future/
[39] https://www.iea.org/commentaries/are-aviation-biofuels-ready-for-take-off
[40] https://www.weforum.org/agenda/2021/09/aviation-flight-path-to-net-zero-future/
[41] https://www.itf-oecd.org/sites/default/files/docs/decarbonising-air-transport-future.pdf
[42] https://www.gov.uk/government/publications/cop-26-declaration-international-aviation-climate-ambition-coalition/cop-26-declaration-international-aviation-climate-ambition-coalition
[43] https://www.gov.uk/government/publications/the-ten-point-plan-for-a-green-industrial-revolution/title#point-6-jet-zero-and-green-ships
[44] https://www.bbc.com/future/article/20210401-the-worlds-first-commercial-hydrogen-plane
[45] https://www.forbes.com/sites/uhenergy/2021/07/12/time-to-clean-the-skies-electric-planes-have-arrived/?sh=3d0e0190734a
[46] https://www.iea.org/reports/energy-technology-perspectives-2020
[47] https://www.weforum.org/agenda/2020/10/cars-planes-trains-aviation-co2-emissions-transport
[48] https://changing-transport.org/cop26-a-launchpad-for-new-partnerships-in-transport/