Afrique : la crise climatique représente une menace existentielle
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Personne au monde ne sera à l’abri des ravages du changement climatique.
De l’intensification des vagues de chaleur et des feux de forêt en Europe [1]aux crises de biodiversité en Amazonie, [2]en passant par l’inondation par l’eau de mer de nombreux groupes insulaires dans les océans Pacifique et Indien[3], toutes les sociétés seront confrontées à des choix difficiles dans leur lutte pour survivre à l’imminente transition environnementale.
Cependant, le réchauffement climatique réserve ses conséquences les plus cruelles pour une région du monde déjà éprouvée par les inégalités, les privations et les conflits : l’Afrique.
Ce continent, qui compte 54 pays et abrite plus d’un milliard de personnes, a une histoire tourmentée. Les conditions arides et les températures élevées sont depuis longtemps un terrain propice à la sécheresse et la famine, qui ont fait des dizaines de millions de victimes au cours des dernières décennies. Dans ce contexte, les troubles civils et les conflits transfrontaliers ont encore davantage mis en péril un peuple déjà accablé.
Même si les pires impacts du changement climatique ne se font pas encore pleinement sentir, l’Afrique est déjà en proie à des catastrophes multiples.
La Corne de l’Afrique, qui inclut l’Éthiopie, le Kenya et la Somalie, est actuellement aux prises avec la pire sécheresse depuis 40 ans. Cinq ans de déficit de précipitations ont touché 50 millions de personnes, dont 20 millions sont menacées par la famine.[4] Plus de 20 % des personnes vivant en Afrique sont considérées comme sous-alimentées ; un chiffre choquant.[5]
Un climat aussi chaud et sec a rendu la végétation du sol très combustible, et l’Algérie et la Tunisie sont loin d’avoir été les seuls pays confrontés à des feux de forêt alimentés par la chaleur tout au long de l’année 2022.
Les cyclones ont également fait payer un lourd tribut. En 2022, la région australe de l’Afrique a subi une série de tempêtes tropicales implacables, entraînant des déplacements et des souffrances en masse, notamment sur l’île de Madagascar.
Au large des côtes, les hausses du niveau de la mer ont été tout aussi inquiétantes. Le long de la mer Rouge et de l’océan Indien occidental, le niveau de la mer a augmenté respectivement de 3,7 mm et de 3,6 mm par an, dépassant la hausse moyenne mondiale de 3,4 mm.[6]
Le pire pourrait être encore à venir. Ce scénario difficile dans toute l’Afrique est susceptible d’empirer davantage dans les années à venir, en particulier alors que le continent est en proie au changement climatique.
Les températures augmentent plus, et plus rapidement, que partout ailleurs
En raison de son emplacement et de sa topographie, l’Afrique est très vulnérable aux symptômes du réchauffement climatique. Il est probable que les températures continuent à y augmenter plus rapidement que dans le reste du monde.
De 1991 à 2022, l’Afrique s’est réchauffée à un rythme moyen de 0,3 °C par décennie, une augmentation supérieure à la moyenne de 0,2 °C par décennie enregistrée par le continent de 1961 à 1990.[7] D’ici 2040, les « États fragiles » de l’Afrique (qualifiés ainsi pour leur faible gouvernance, leurs tensions sociales, leurs crises humanitaires et leurs conflits armés), de la République centrafricaine à la Somalie et au Soudan, pourraient supporter 60 jours par an ou plus de températures étouffantes supérieures à 35 °C, soit quatre fois plus que les États non fragiles.[8]
Dans le même temps, les régimes de précipitations risquent de devenir encore plus imprévisibles. Cela implique une véritable menace existentielle pour les personnes sur le terrain : catastrophes météorologiques extrêmes, mauvaises cultures, perte de moyens de subsistance et désertification accélérée.
Dans la plupart des pays développés, le réchauffement climatique signifie des factures plus élevées, moins de choix au supermarché et peut-être des vacances interrompues. Pour les personnes vivant en Afrique, le réchauffement climatique pourrait signifier la différence entre la vie et la mort.
Qu’est-ce que l’avenir réserve à cette région du monde vulnérable ? L’Afrique est-elle condamnée à souffrir à mesure que le climat mondial continue à se dégrader, ou pourrait-elle atteindre le salut grâce à des initiatives politiques, technologiques et d’investissement ? S’attaquer à la vulnérabilité unique de ce continent vaste et complexe face à la menace du changement climatique exigera la montée en puissance de l’empathie et de la compréhension.
Cent millions de personnes souffrent de la crise liée au changement climatique
Les maux climatiques de l’Afrique sont pour le moins injustes. Combinés, tous les pays africains n’émettent que 3,8 % des gaz à effet de serre mondiaux chaque année, bien moins que la Chine (23 %), les États-Unis (19 %) ou l’Union européenne (UE) (13 %).[9] De même, les émissions de dioxyde de carbone par habitant n’y sont que de 1,04 tonne métrique par an, largement inférieures à la moyenne mondiale de 4,69 tonnes métriques.[10]
Malgré cette absence de culpabilité relative, l’Organisation météorologique mondiale met en lumière six domaines de préoccupation pour l’avenir à court et moyen terme du continent.
Il s’agit notamment de l’accélération de la hausse des températures ; de la chute de la productivité agricole ; des conditions météorologiques extrêmes qui aggravent les problèmes de sécurité alimentaire, de déplacements et de conflits ; du manque de financement pour l’adaptation ; du coût croissant des pertes et des dommages ; ainsi que des systèmes d’alerte précoce inadéquats.
Les vagues de chaleur, les inondations, les cyclones et les sécheresses sont dévastateurs chaque fois et où qu’ils se produisent. Cependant, c’est particulièrement le cas dans une région économiquement défavorisée comme l’Afrique, avec un PIB moyen par personne d’un peu plus de 2 000 USD en 2023.[11] En Afrique, le cadre d’intervention en cas de catastrophe est insuffisamment développé. L’assainissement obsolète permet aux maladies de prospérer, et la faim peut muter en famine en un rien de temps.
Pour de nombreux civils, c’est une question de survie.
Les chiffres montrent que plus d’une centaine de millions d’Africains ont été affectés par les aléas climatiques en 2022, dont 5 000 sont décédés en raison de sécheresses et d’inondations. Il est probable que les chiffres réels soient considérablement plus élevés, en raison de la difficulté à compiler des statistiques sur un terrain aussi vaste avec des communications peu fiables.
Au-delà du fardeau humain du changement climatique, des estimations prudentes ont également montré que plus de 8,5 milliards d’USD de dommages financiers ont été encourus en 2022, un coup brutal pour une région dont l’économie est déjà à la traîne par rapport à la majeure partie du monde développé.
Catastrophes liées au temps, au climat et à l’eau en Afrique en 2022. Remarque : Les dommages économiques de certaines catastrophes ne sont pas présentés dans la figure en raison de l’absence de données.
L’agriculture est une bouée de sauvetage pour de nombreuses familles et économies africaines, occupant plus de la moitié de toute la main-d’œuvre en Afrique sub-saharienne. Pourtant, depuis 1961, la productivité agricole a diminué d’environ un tiers dans le contexte du changement climatique.[12] Cela marque une chute plus abrupte que dans n’importe quelle autre région du monde, ce qui signifie que l’Afrique a dû tripler la quantité de nourriture qu’elle importe chaque année pour assurer la subsistance de sa population.[13] Seuls 3 % des zones cultivées en Afrique sont irriguées par des canaux ou des réservoirs, ce qui expose les cultures aux ravages des inondations et de la sécheresse.[14] L’absence de financement pour l’entretien peut condamner au délabrement n’importe quel système d’irrigation existant. Le réseau d’irrigation de Gezira au Soudan, par exemple, couvre aujourd’hui moins de la moitié des 8 000 km2 qu’il alimentait auparavant. Selon certains scénarios, d’ici 2060, le changement climatique pourrait plonger dans la faim 50 millions d’habitants de plus dans les États fragiles d’Afrique.[15]
Le Centre africain pour la politique en matière de climat de la CEA vise à quantifier l’impact économique des pertes et dommages liés au climat. Il estime la facture pour l’Afrique entre 290 et 440 milliards d’USD, en fonction de la gravité du réchauffement qui se manifestera à terme.
Pour que la région soit capable de survivre à la transition climatique, elle aura besoin du soutien des partenaires internationaux. Dans l’intérêt du maintien d’un monde solide et stable, aider l’Afrique à éviter les spectres de la faim, de la guerre et des migrations de masse doit devenir une mission mondiale.
L’autosuffisance est essentielle aux solutions durables
Imaginez un instant ce que l’Afrique pourrait réaliser si elle était en mesure de libérer le potentiel de ses enviables ressources : elle pourrait non seulement générer une énergie presque illimitée, mais une énergie propre presque illimitée. Après tout, la région brûlée par le soleil est dotée de plus de la moitié du potentiel solaire sur la planète. Cependant, sur tout le continent, la capacité installée totale est seulement équivalente à celle d’un petit pays européen.[16]
Libérer l’énergie solaire à travers l’Afrique, ainsi que d’autres sources durables telles que les énergies éolienne, hydraulique et géothermique, apporterait des avantages sans précédent. Ceux-ci comprennent non seulement un environnement plus propre, mieux à même de survivre à la crise climatique, mais également davantage d’emplois, une plus grande prospérité, une santé améliorée et plus d’égalité dans toutes les couches de la société.
L’Objectif de développement durable de l’ONU visant à garantir l’accès à l’énergie pour tous d’ici 2030 doit sembler un rêve lointain en Afrique, où les coûts en capital des nouveaux projets énergétiques sont deux à trois fois plus élevés que dans les économies matures.[17] Ce dilemme signifie que des centaines de millions de personnes sont dépourvues d’électricité, ce qui limite considérablement leurs perspectives d’éducation et d’emploi.
Le moment est venu de financer le déploiement massif d’options d’énergies renouvelables en Afrique. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), l’électricité verte devrait devenir moins chère que les alternatives faisant appel aux combustibles fossiles en Afrique d’ici 2030.[18]
Cependant, les progrès restent lents, puisque seulement 3 % environ des investissements énergétiques mondiaux sont actuellement centrés sur l’Afrique.[19] Faire évoluer ce paradigme nécessitera des décisions audacieuses du secteur public comme du privé.
Les grandes institutions financières mondiales s’efforcent de catalyser les progrès, de réduire efficacement les risques liés aux investissements du secteur privé et de jeter les bases d’une croissance économique durable. Les foyers et les industries ont besoin d’un approvisionnement en électricité fiable pour prospérer. Selon le lieu, une partie de ces besoins seront satisfaits par des réseaux électriques robustes au cœur des communautés. Ailleurs, des installations solaires et de batteries pourraient alimenter des systèmes hors réseau dans les zones plus reculées.
La communauté internationale sait que la meilleure façon de soutenir l’Afrique est de l’aider à devenir autosuffisante sur le plan économique. Cela implique de donner à ses habitants les moyens d’établir une base industrielle et une capacité manufacturière solides. L’investissement du secteur public offrirait probablement un rapport qualité-prix exceptionnel. Certaines estimations suggèrent que 28 milliards d’USD de capital concessionnel des agences de développement débloqueraient plus de trois fois ce montant en financement privé.[20]
Saisissant l’initiative, le nouveau rapport de l’AIE « Financement de l’énergie propre en Afrique » appelle à un doublement des investissements énergétiques en Afrique d’ici la fin de la décennie, pour dépasser les 200 milliards d’USD par an. Son analyse examine comment atteindre cette augmentation spectaculaire des investissements et, en fin de compte, réduire drastiquement le coût du financement de l’énergie propre.
Parmi les solutions de l’AIE pour l’investissement durable en Afrique figurent :
- La mobilisation de capitaux auprès des gouvernements, des agences de développement et des investisseurs privés, ces derniers devant multiplier leur contribution par six d’ici 2030 ;
- Le lancement de programmes de cuisson propres pour réduire la dépendance au bois de chauffage ;
- Un même soutien aux pays à faibles revenus d’Afrique, qui abritent les trois quarts de la population du continent, mais n’attirent qu’une fraction du financement du développement ;
- L’investissement ambitieux dans les réseaux énergétiques pour améliorer leur fiabilité, démocratiser l’accès aux opportunités et faciliter l’intégration rapide des énergies renouvelables ;
- L’encouragement d’un éventail diversifié d’investissements dans des projets d’efficacité énergétique afin de réduire la demande lorsque cela est possible ;
- L’orientation du financement vers des projets utilisant des technologies de pointe, avec des mécanismes d’exécution rationalisés, des structures financières mixtes et des banques de développement multilatérales qui réduisent les risques des investissements privés ;
- L’adoption de cadres réglementaires et de surveillance vérifiables pour attirer les investissements des marchés du carbone.
Nous pouvons déjà voir certaines de ces initiatives en action. Djibouti, avec une moyenne de 130 mm de précipitations par an, est l’un des endroits les plus arides de la planète.[21] Sur ses zones côtières, environ 30 000 Djiboutiens subissent des inondations océaniques chaque année. Pourtant, Djibouti a récemment conclu un contrat d’assurance multirisque sur cinq ans impliquant un éventail de partenaires internationaux.
L’accord réunit le gouvernement de Djibouti, l’African Risk Capacity Group (ARC), Descartes Insurance et la Banque mondiale. En protégeant les communautés vulnérables contre la sécheresse et les précipitations imprévues, le mécanisme vient compléter le projet Réduction des risques, inclusion et valorisation des économies pastorales (« De-Risking, Inclusion and Value Enhancement of Pastoral Economies », DRIVE) de la Banque mondiale, conçu pour protéger les éleveurs de bétail dans la Corne de l’Afrique des impacts du réchauffement climatique.
L’accord de Djibouti valide ce principe. Les organisations partenaires espèrent voir le lancement de programmes similaires pour 200 millions de personnes supplémentaires en Afrique. Ce n’est qu’en mettant en commun les ressources techniques et les fonds qu’il est possible de garantir la planification et l’intervention en cas d’urgence, de façon à protéger les foyers et les moyens de subsistance.
D’après David Maslo de l’ARC, le modèle d’accord prouve que « le financement des risques de catastrophe non seulement fonctionne, mais s’avère essentiel en Afrique, où les retombées du changement climatique ont un impact disproportionné sur les plus vulnérables ».[22]
Le réchauffement climatique entrave le développement économique en Afrique. Il risque de paralyser les systèmes agricoles, menace de balayer des décennies de progrès en matière d’éducation et de soins de santé et compromet le patrimoine culturel terrestre. Une action rapide peut aider à limiter ces dangers et à construire une Afrique plus résiliente, au profit du monde entier.
La température et la population augmentent en parallèle
Sans une atténuation climatique adéquate, plus de 100 millions d’Africains pourraient être contraints de migrer d’ici le milieu du siècle. Dans la Corne de l’Afrique, près de 10 % des personnes pourraient être obligées de partir chercher refuge en raison du climat ou pour protéger leurs moyens de subsistance.[23]
Pour préparer à l’avenir ces terres exposées au changement climatique, il faudra investir dans des villes durables et connectées et gérer avec soin les terres, l’eau et les autres ressources naturelles. L’espoir pourrait pointer à l’horizon grâce à des initiatives telles que le Fonds fiduciaire pour la résilience et la durabilité du Fonds monétaire international (FMI). Le Fonds offre un financement abordable à long terme aux plus petits États engagés à renforcer leur résilience aux chocs climatiques.[24]
Des forums tels que le Sommet africain pour le climat 2023, qui s’est tenu à Nairobi, sont également cruciaux pour maintenir l’élan vers le développement durable. Le sommet, qui a réuni leaders gouvernementaux, entreprises, ONG et société civile, a formulé un appel à l’action pour promouvoir la résilience climatique à travers le continent. Les mesures proposées comprenaient :
- Restructurer la dette héritée de l’Afrique et débloquer de nouveaux financements climatiques ;
- S’assurer que la communauté internationale honore son engagement pris lors de la COP15 de mobiliser 100 milliards d’USD par an de financement climatique ;
- Poursuivre l’élimination rapide de l’électricité issue du charbon et la suppression progressive des subventions aux combustibles fossiles ;
- Sécuriser les investissements positifs pour le climat afin de catalyser une trajectoire de croissance, en permettant aux pays africains d’atteindre le statut de revenu intermédiaire d’ici 2050 ;
- Activer le fonds « Pertes et dommages » de la COP27 pour compenser l’industrialisation historique du monde développé ;
- Donner la priorité à la croissance économique et à la création d’emploi en Afrique afin de refléter les ambitions de l’Accord de Paris sur le climat ;
- Sauter l’étape traditionnelle du développement industriel des combustibles fossiles pour passer directement aux combustibles verts et aux principes de l’économie circulaire ;
- Renforcer les actions visant à enrayer et inverser la perte de biodiversité ;
- Étendre les systèmes d’alerte précoce et les services d’information sur le climat, tout en adoptant les savoirs autochtones et les sciences citoyennes.
Toutes ces actions revêtent un caractère d’urgence étant donné que la population africaine, soit 1,2 milliard de personnes, devrait doubler au cours des 30 prochaines années[25] ; et que, sur cette même période, les effets les plus préjudiciables du changement climatique commenceront à se manifester dans nos écosystèmes.
Le secteur privé, au niveau national et international, jouera un rôle clé dans cette transition nécessaire.
Le secteur privé fait face à la crise climatique fatale en Afrique
Des entreprises comme Abdul Latif Jameel exploitent le pouvoir des capitaux privés pour aider de diverses manières les communautés vulnérables au changement climatique à travers le monde.
Convaincus que le climat est au cœur de nombreuses crises imminentes, nous jouons notre rôle pour limiter le réchauffement climatique en finançant l’expansion de l’énergie verte dans le monde entier.
Notre entreprise phare dans le domaine des énergies renouvelables, Fotowatio Renewable Ventures (FRV), gère un portefeuille polyvalent de projets solaires, de stockage d’énergie, éoliens et d’énergie hybride au Moyen-Orient, en Amérique latine, en Europe et en Australie.
Dans des régions comme l’Afrique où la lumière du soleil est abondante, l’énergie solaire a le potentiel d’alimenter d’innombrables foyers et entreprises. C’est l’une des raisons pour lesquelles FRV-X, l’aile axée sur l’innovation de FRV, a investi 10,6 millions d’USD dans ecoligo, un fournisseur allemand de « solaire en tant que service ». Fondé en 2016, ecoligo aide des partenaires commerciaux et industriels du monde entier, et notamment d’Afrique, à financer des projets solaires via une plateforme innovante d’investissement participatif.
Les communautés touchées par la sécheresse en Afrique sont au premier rang des préoccupations chez Almar Water Solutions, appartenant à Jameel Environmental Services. Almar Water Solutions s’efforce d’élargir l’accès à un approvisionnement fiable en eau propre dans les zones arides grâce au développement et à la gestion d’installations de dessalage de pointe, de services de réseaux d’eau intelligents et d’infrastructures d’eau locales numérisées.
La sécurité alimentaire est également une préoccupation permanente en Afrique, où plus de 55 millions d’enfants de moins de cinq ans accusent un retard de croissance dû à la malnutrition extrême.[26]
Ce sont des statistiques comme celle-ci qui inspirent le Laboratoire Jameel des systèmes d’eau et d’alimentation (Jameel Water and Food Systems, J-WAFS) au MIT, cofondé par Community Jameel en 2014. J-WAFS finance des recherches sur les avancées agricoles ambitieuses, telles que les semences résistantes à la sécheresse ou les fermes du futur axées sur la technologie ; toutes des mesures vitales sur un continent en transition climatique rapide.
De même, le Laboratoire d’action contre la pauvreté Abdul Latif Jameel (Jameel Poverty Action Lab, J-PAL), centre de recherche mondial qui travaille pour lutter contre la pauvreté en veillant à ce que les politiques publiques s’appuient sur des preuves scientifiques, a également une forte présence en Afrique. L’équipe J-PAL y travaille en collaboration avec C40, un réseau mondial de maires des plus grandes villes du monde unis par le désir de contrôler la crise climatique avant qu’elle ne commence à nous contrôler. J-PAL exploite une série de laboratoires sur le climat pionniers pour affronter le spectre du réchauffement mondial depuis une perspective africaine. Leurs membres travaillent avec des décideurs politiques des gouvernements, de l’Égypte au nord à l’Afrique du Sud dans la région sub-saharienne.
Basé à l’Université du Cap, J-PAL Africa mène des évaluations randomisées et aide les partenaires à développer à plus grande échelle des programmes efficaces dans un large éventail d’initiatives sociales, sur des thèmes allant des marchés du travail aux services urbains en passant par la participation politique.
Les chercheurs affiliés de J-PAL ont 391 projets en cours et achevés en Afrique à leur actif. Les évaluations récentes, qui aideront les communautés à traverser la crise climatique, ont inclus :
- instaurer la confiance dans la qualité des engrais chez des agriculteurs en Tanzanie ;
- encourager l’adoption de réservoirs de collecte des eaux pluviales grâce à des prêts garantis au Kenya ;
- promouvoir l’inscription aux régimes de soins de santé et à l’assurance maladie au Ghana ;
- améliorer les récoltes et la santé grâce à une variété de riz à haut rendement en Sierra Leone ;
- mettre en relation l’assurance basée sur un indice météorologique et le crédit pour améliorer la productivité agricole dans les zones rurales d’Éthiopie.
La communauté Jameel promeut un éventail d’autres initiatives pour contribuer à fortifier ce continent vaste et diversifié contre le changement climatique.
L’Observatoire Jameel, par exemple, utilise des données probantes pour anticiper et atténuer les chocs climatiques, en particulier dans les sociétés à faibles revenus. Ses deux programmes phares comprennent le Réseau du système d’alerte précoce pour la résilience climatique de l’Observatoire Jameel (Jameel Observatory-CREWSnet), qui renforce les communautés agricoles grâce à des technologies de pointe de prévision climatique et de renforcement de la résilience ; et l’Observatoire Jameel pour l’action précoce en matière de sécurité alimentaire, qui fusionne connaissances locales et innovation scientifique afin de vaincre la malnutrition dans les zones arides.
Certaines initiatives nécessitent une présence sur le terrain pour réussir. Un chercheur de l’Observatoire Jameel, par exemple, s’est rendu dans le comté de Meru, au Kenya, pour quantifier les régimes alimentaires du bétail et leur impact sur les émissions de GES. La visite a permis de combler des lacunes cruciales en matière de données, avec la promesse d’améliorer la nutrition animale tout en réduisant les niveaux de méthane ; des résultats qui auraient été impossibles si les membres de l’équipe s’étaient contentés de cribler des données à distance.
Compte tenu des récentes avancées en matière de technologies de modélisation climatique et d’analyse des données, les arguments en faveur d’un financement accru pour les actions d’anticipation sont plus convaincants que jamais[27]. Les investisseurs ont généralement été plus enclins à agir pendant les situations d’urgence, même si l’argent dépensé à l’avance peut être beaucoup plus efficace ; une ironie qui exige un changement de perspective urgent.
Une stratégie double peut aider l’Afrique à atteindre une sécurité durable
Les pays du monde développé doivent tirer les leçons de leur propre évolution dommageable pour l’environnement et s’assurer que l’Afrique s’engage sur une voie plus durable vers la richesse et la sécurité. Cela exigera une stratégie double. Tout d’abord, accélérer l’économie du continent en donnant les moyens aux nations africaines de prospérer dans un monde moderne, axé sur la technologie, avec des systèmes financiers sophistiqués. Deuxièmement, coordonner des efforts pour lutter contre les causes sous-jacentes du réchauffement climatique mondial qui augurent des changements si dévastateurs des températures et des systèmes météorologiques dans les régions équatoriales.
Comme mon collègue le Dr Guyo Roba de l’Observatoire Jameel pour l’action précoce en matière de sécurité alimentaire l’a exposé dans un podcast pour Philanthropy Age, la philanthropie aura un rôle important à jouer pour protéger les vies africaines dans cette nouvelle ère d’incertitude environnementale. La baisse des budgets de coopération entraîne déjà des rationnements ; un avertissement sur des risques encore plus importants, alors que la limite de température cible de +2 °C de l’ONU ressemble de plus en plus à un vœu pieux. Tout cela, alors que les preuves s’accumulent pour montrer que toute la trajectoire d’un enfant est déterminée par ce qu’il mange pendant les mille premiers jours de sa vie, période à laquelle jusqu’à 90 % du développement cérébral se produit. La technologie de prévision du climat s’améliore constamment ; le financement international doit désormais rattraper son retard pour garantir que ces connaissances supplémentaires deviennent le fondement d’une action concrète.
Nous avons des raisons d’espérer. Dans le secteur privé en particulier, le succès attire le succès. Fin 2023, l’Université d’Édimbourg et l’Institut international de recherche sur le bétail (International Livestock Research Institute, ILRI) ont renouvelé un protocole d’accord de plusieurs décennies visant le maintien du soutien à plusieurs programmes de recherche, y compris Community Jameel, J-PAL et l’Observatoire Jameel pour une action précoce en matière de sécurité alimentaire[28]. Comme nous l’avons vu, la philanthropie est une entreprise commune, un effort des cœurs et des esprits capable de déclencher un effet domino d’interventions humanitaires.
Ne pas agir face au changement climatique en Afrique est un manquement moral qui condamne plus d’un milliard d’âmes à des vies raccourcies et difficiles, privées d’espoir ou d’opportunités. L’alternative qui permet à toute une société de cheminer avec nous vers l’avenir promet d’encourager l’équité et la prospérité partout dans le monde.
[1] https://www.reuters.com/business/environment/how-climate-change-drives-heatwaves-wildfires-europe-2023-08-17/
[2] https://www.nature.com/articles/s41586-023-06970-0
[3] https://www.livescience.com/planet-earth/climate-change/which-islands-will-become-uninhabitable-due-to-climate-change-first
[4] https://www.theguardian.com/environment/2023/apr/27/human-driven-climate-crisis-fuelling-horn-of-africa-drought-study
[5] https://www.worldvision.org/hunger-news-stories/africa-hunger-famine-facts
[6] https://wmo.int/news/media-centre/africa-suffers-disproportionately-from-climate-change
[7] https://wmo.int/news/media-centre/africa-suffers-disproportionately-from-climate-change
[8] https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2023/08/30/africas-fragile-states-are-greatest-climate-change-casualties?
[9] https://www.cdp.net/en/research/global-reports/africa-report
[10] https://wmo.int/news/media-centre/africa-suffers-disproportionately-from-climate-change
[11] https://www.statista.com/statistics/1300864/gdp-value-per-capita-in-africa/
[12] https://library.wmo.int/records/item/67761-state-of-the-climate-in-africa-2022
[13] https://wmo.int/news/media-centre/africa-suffers-disproportionately-from-climate-change
[14] https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2023/08/30/africas-fragile-states-are-greatest-climate-change-casualties?
[15] https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2023/08/30/africas-fragile-states-are-greatest-climate-change-casualties?
[16] https://www.iea.org/commentaries/a-new-energy-pact-for-africa?
[17] https://www.iea.org/reports/financing-clean-energy-in-africa
[18] https://www.iea.org/reports/africa-energy-outlook-2022
[19] https://www.iea.org/commentaries/a-new-energy-pact-for-africa?
[20] https://www.iea.org/reports/financing-clean-energy-in-africa
[21] https://www.weforum.org/agenda/2023/05/climate-change-djibouti-multi-peril-insurance/
[22] https://www.weforum.org/agenda/2023/05/climate-change-djibouti-multi-peril-insurance/
[23] https://theconversation.com/climate-change-will-force-up-to-113m-people-to-relocate-within-africa-by-2050-193633
[24] https://www.imf.org/en/Blogs/Articles/2023/08/30/africas-fragile-states-are-greatest-climate-change-casualties?
[25] https://www.iea.org/commentaries/a-new-energy-pact-for-africa?
[26] https://www.oxfam.org/en/press-releases/over-20-million-more-people-hungry-africas-year-nutrition
[27] https://www.agtechnavigator.com/Article/2024/06/24/early-warning-systems-eliminate-hunger-so-why-the-lack-of-investment
[28] https://www.communityjameel.org/news/university-of-edinburgh-renews-partnership-with-international-livestock-research-institute