On se sent parfois dépassé par la crise environnementale à laquelle notre planète est confrontée et oppressé par l’ampleur du problème et de la solution.

Les faits sont certainement choquants.

D’ici à 2050, les températures mondiales devraient être supérieures d’au moins 1,5 °C à celles de l’ère préindustrielle et de 2 à 4 °C plus chaudes d’ici à la fin de ce siècle.[1] D’ici à 2050, à Londres, au Royaume-Uni, les températures devraient être aussi élevées qu’actuellement à Barcelone, en Espagne. New York, Mexico et Moscou compteront parmi les principaux foyers de population qui connaîtront une hausse des températures maximales mensuelles d’au moins 4 °C[2], tandis que le stress thermique, la malnutrition et les maladies devraient entraîner près de 250 000 décès supplémentaires entre 2030 et 2050.[3]

Par conséquent, l’ampleur des solutions couramment proposées est énorme. Limiter le réchauffement climatique à moins de 1,5 °C impliquera de réduire les gaz à effet de serre de 30 gigatonnes chaque année d’ici à 2030.[4] La feuille de route des Nations Unies pour un avenir sans carbone prévoit des réductions des émissions de 8,2 gigatonnes dans le secteur de l’énergie, de 6,7 gigatonnes dans l’agriculture, de 5,4 gigatonnes dans le secteur de l’industrie et de 4,7 gigatonnes dans celui du transport. Les stratégies internationales de décarbonation de l’industrie nécessitent des changements radicaux des infrastructures mondiales : imaginez d’énormes parcs solaires et éoliens qui supplantent les centrales électriques à combustible fossile, ainsi qu’une prolifération d’usines de batteries, d’éco-carburants et de projets de captage du dioxyde de carbone à grande échelle.

Tout cela peut sembler très éloigné, voire aliénant, pour le particulier qui vaque à ses occupations quotidiennes. « Je ne peux pas empêcher la construction de plus de centrales thermiques au charbon. » ; « Je n’ai pas les compétences nécessaires pour concevoir des souches de semences résistantes à la sécheresse. » ; « Même si je ne prends pas l’avion, je ne peux pas les empêcher de polluer le ciel. »

Il est vrai qu’atteindre le « zéro émission nette » est un défi qui dépasse largement la capacité humaine. Cependant, en étendant cet élan au niveau de la communauté – les microsociétés dans lesquelles nous vivons, travaillons et produisons – de précieuses contributions à la lutte contre le changement climatique peuvent émerger des origines les plus modestes.

Les communautés durables sont appelées à émerger comme un front de bataille essentiel dans la lutte contre le réchauffement de la planète. Certaines idées, technologies et politiques émergeant au niveau local pourraient s’avérer déterminantes dans l’adoption de modes de vie plus viables qui, collectivement, pourraient contribuer à rendre les défis du « zéro émission nette » moins accablants et plus réalisables.

Dynamiser le concept de communauté durable

Comment pouvons-nous vivre une vie plus saine, plus sûre et plus heureuse, et nous assurer que les mêmes opportunités seront disponibles pour nos descendants dans plusieurs générations ? Une façon de promouvoir les vertus de la communauté durable est de se concentrer sur les initiatives locales en matière d’énergie renouvelable.

Les énergies renouvelables représentent plus d’un quart de la production d’énergie mondiale depuis 2019 et dépassent actuellement les trajectoires de croissance de toutes les autres sources d’énergie. Cela est non seulement bénéfique pour l’environnement, mais aussi pour les demandeurs d’emploi. Les solutions énergétiques décentralisées nécessitent, en effet, une main-d’œuvre abondante et peuvent par conséquent contribuer à encourager la création d’emplois. Le nombre d’emplois dans le secteur des énergies renouvelables a atteint 11 millions en 2018 et pourrait quadrupler d’ici 2050.[5]

Mais à quoi peut ressembler un projet énergétique communautaire ?

L’île danoise de Samsø est parfois considérée comme la première île au monde à être alimentée à 100 % en énergie renouvelable. L’empreinte carbone moyenne chez les insulaires est passée de +11 tonnes de CO2 par habitant et par an à -12 tonnes (oui, il s’agit bien d’un chiffre négatif !).[6] Au cours des deux dernières décennies, la communauté de 4 000 personnes s’est lancée dans une série de projets (21 éoliennes terrestres et offshore, plus quatre centrales de chauffage urbain alimentées en biomasse) qui lui ont permis d’atteindre zéro émission nette.

La propriété de ces actifs est partagée entre des particuliers, des groupes d’investisseurs, le gouvernement municipal et des coopératives locales. Pour que l’île soit entièrement exempte de carbone d’ici à 2030, les secteurs du transport et du chauffage dépendront exclusivement de l’électricité renouvelable, tandis que l’industrie du transport maritime n’utilisera que l’électricité ou le biogaz local produit par la fermentation de matières organiques.

Samsø est par nature un milieu fermé. Mais les principes d’une communauté durable prospère peuvent-ils être introduits dans un environnement plus urbain ?

Il semblerait que oui, si l’on en croit l’expérience de la coopérative énergétique à but non lucratif Repowering London. Repowering London a trois objectifs : lutter contre la pauvreté énergétique, réduire les émissions de gaz à effet de serre et créer de nouveaux emplois.

Une stratégie unique permet aux particuliers et aux entreprises d’investir dans des programmes solaires pour les logements sociaux. Les bénéfices tirés de la vente d’électricité au réseau sont ensuite réinvestis dans la communauté même.

En seulement 10 ans, Repowering London a installé plus de 700 kWp d’énergie solaire, évité environ 779 tonnes d’émissions de CO2, recueilli 768 000 £ de financement et généré plus de 200 000 £ à dépenser pour l’amélioration de la communauté.[7] Pour conserver ses compétences au sein de la communauté, Repowering London forme les jeunes adultes aux aspects financiers, juridiques, marketing et techniques de la gestion d’un projet d’électricité communautaire.

Ailleurs au Royaume-Uni, nous avons assisté à l’émergence régulière de systèmes énergétiques coopératifs à petite échelle, tels que la Ouse Valley Energy Services Company (OVESCO) et la Brighton Energy Cooperative.

Les projets d’OVESCO dans l’Est du Sussex comprennent 6 MW de projets solaires soutenus par des centaines d’actionnaires locaux.[8] Parmi les réalisations les plus marquantes à ce jour, citons 15 panneaux solaires sur les toits et une ferme solaire, un fonds d’un million de livres sterling pour la micro-génération domestique, plus de 1 000 appels téléphoniques pour des conseils en matière d’énergie et des factures de carburant moins élevées pour les écoles, les entreprises et les propriétaires. OVESCO a déposé une demande de permis de construction pour une nouvelle ferme solaire de 17 MW dans la vallée de l’Ouse, ce qui permettrait d’alimenter plus de 4 000 foyers.

La Brighton Energy Cooperative (BEC), un projet voisin dans l’Est du Sussex, a déjà collecté 3,5 millions de livres sterling d’investissements communautaires pour 91 projets solaires à grande échelle autour de Brighton & Hove.[9] En tant que société à avantages communautaires, la BEC est contrôlée par ses parties prenantes locales. Celles-ci peuvent investir n’importe quelle somme comprise entre 3 000 £ et 100 000 £, mais disposent d’une voix sur les questions de prise de décision, quel que soit le montant de l’investissement.

Les entreprises de la région bénéficient de factures d’énergie 30 à 40 % moins chères que la moyenne nationale en louant des espaces pour des panneaux solaires sur les toits. Le prochain projet de la BEC est un nouveau parc solaire de 750 kWp, comprenant environ 2 000 panneaux solaires dans un port voisin.

Ces exemples de réussite ne représentent peut-être que la partie émergée de l’iceberg. Une étude suggère que les projets de financement menés par les citoyens à travers l’Europe pourraient combler le déficit de financement de 179 milliards d’euros nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques du continent en 2030 – suffisamment pour porter la part des énergies renouvelables de l’Europe à 32 % à cette date.[10]

À mesure que les modèles énergétiques communautaires évoluent pour devenir plus sophistiqués, ils intègrent de plus en plus souvent des usines de stockage de batteries. Cela signifie que l’énergie produite pendant les périodes productives peut être déployée lorsque le soleil ne brille pas ou que le vent refuse de souffler, pour une distribution d’électricité fiable 24 h/24. Il s’agit d’une technologie qu’Abdul Latif Jameel Energy aide déjà à faire avancer grâce à FRV-X, la branche d’innovation de Fotowatio Renewable Ventures (FRV), son activité phare dans le domaine des énergies renouvelables. FRV-X développe plusieurs installations pionnières de stockage par batterie afin d’assurer l’approvisionnement en électricité des foyers et des entreprises 24 h/24. Les projets phares de l’équipe au Royaume-Uni à Holes Bay, Dorset et Contego, West Sussex, sont déjà opérationnels, tandis que le plus grand projet de stockage de batteries du Royaume-Uni, à Clay Tye, Essex (puissance de pointe de 99 MW, capacité de 198 MWH) devrait être lancé plus tard en 2023.

FRV-X soutient également un autre modèle de financement écologique qui gagne rapidement du terrain : Investissement participatif dans l’énergie verte.

L’un de ces pionniers est le fournisseur allemand « solaire en tant que service » ecoligo, qui utilise une plateforme de financement innovante pour aider à associer les investisseurs individuels à des opportunités de programmes solaires sur les marchés émergents.

FRV-X a investi 10,6 millions de dollars dans ecoligo, qui est actuellement présent dans 11 pays, dont le Kenya, le Ghana, le Costa Rica, le Vietnam, les Philippines et le Chili.

Chaque projet développé par ecoligo est financé par des investisseurs individuels via une plateforme d’investissement participatif. L’investissement de FRV-X permettra à ecoligo de fournir de l’énergie solaire à plus de clients sur les marchés émergents et d’accélérer ses plans de croissance.

Ainsi, la solution pour alimenter nos activités et chauffer nos maisons de manière contrôlée localement et écologique semble être à notre portée. Mais qu’en est-il de l’alimentation des familles qui forment le cœur de nos communautés ? L’agriculture peut-elle être gérée au niveau local et devenir véritablement durable ?

Nourrir plus que nos imaginations

Partout dans le monde, des projets agricoles locaux expérimentent différentes approches de la production alimentaire durable. Certains font déjà une différence considérable au sein de leurs communautés, tandis que d’autres pourraient devenir des modèles pour les efforts agricoles à l’échelle du quartier dans le monde entier.

Selon le Fonds mondial pour la nature (WWF), l’agriculture communautaire, « fait partie de la solution pour le climat et la nature et peut contribuer à la mise en place de systèmes alimentaires durables, équitables et résilients qui profitent aux populations et à la planète »[11]

Deux de ses propres projets apportent la sécurité alimentaire et l’autonomisation des communautés dans des régions défavorisées d’Afrique.

La première, à Primeiras e Segundas, au Mozambique, occupe 2,5 millions d’acres de cultures marines à terre dans la première zone de protection de l’environnement du pays. Les stratégies visant à améliorer la résilience de l’agriculture sont les suivantes :

  • les associations villageoises d’épargne et de crédit (particulièrement destinées aux femmes) ;
  • les zones de non-prélèvement pour permettre aux pêcheries de se régénérer ;
  • la replantation de mangroves pour protéger le littoral ;
  • l’introduction de « semences intelligentes » sur le plan climatique pour assurer la sécurité alimentaire.

Pour les autres régions en développement envisageant un modèle similaire, les résultats jusqu’à présent sont positifs : une hausse de 25 % de la diversité alimentaire, plus de 70 % des bateaux de pêche déclarant une augmentation de leurs prises et une hausse de 13 % du nombre de ménages bénéficiant d’une sécurité alimentaire tout au long de l’année.

En Tanzanie, le corridor de croissance agricole du sud englobe une zone où plusieurs villages partagent le même bassin hydrographique. Les représentants locaux participent collectivement au zonage des terres et aux décisions de gestion des ressources. Les étapes suivantes ont été franchies :

  • Six plans d’occupation des sols de villages appartenant à la population locale, détaillant les zones agricoles, ainsi que 672 acres de réserves de zones humides et 35 000 acres de forêts ;
  • 109 nouvelles sources d’eau, 12 000 nouveaux arbres, 400 nouvelles ruches, 38 nouveaux puits et huit nouveaux étangs de pisciculture ;
  • L’octroi de 2 922 titres fonciers individuels délivrés par le gouvernement, dont 45 % à des femmes et 27 % à des jeunes.

Les communautés qui subissent une transition urgente en matière de durabilité ont besoin d’un soutien fondé sur des données pour se diriger vers un avenir moins prévisible. L’Observatoire Jameel a été créé pour aider les populations des pays à revenu faible et intermédiaire à anticiper et à se préparer aux chocs environnementaux futurs. Il exécute deux programmes majeurs : L’Observatoire Jameel pour l’action précoce en matière de sécurité alimentaire et le Réseau du système d’alerte précoce pour la résilience climatique de l’Observatoire Jameel.

Basé à l’Institut international de recherche sur le bétail à Nairobi, au Kenya, l’Observatoire Jameel pour l’action précoce en matière de sécurité alimentaire est un partenariat international qui vise à accroître la résilience et les stratégies d’adaptation des communautés pastorales. Des actions et des solutions précoces, basées sur une combinaison de connaissances locales et de connaissances scientifiques, peuvent aider à surmonter l’insécurité alimentaire et la malnutrition de demain.

Dirigé par le Massachusetts Institute of Technology (MIT), le réseau de systèmes d’alerte précoce sur la résilience climatique de l’Observatoire Jameel (Jameel Observatory-CREWSnet) fusionne des prévisions climatiques de pointe, des données locales/régionales et des analyses socio-économiques pour aider à minimiser les pertes en vies humaines, en moyens de subsistance et en biens dans les communautés vulnérables.

Des projets locaux d’alimentation durable émergent également au niveau communautaire dans les marchés plus matures. Le programme Horizon de la Commission européenne expérimente une série de stratégies alimentaires basées sur la nature dans plusieurs communautés, connues sous le nom de ProGIreg (« Productive Green Infrastructure for post-industrial Urban Regeneration »).[12]

Les projets pilotes ProGIreg permettent de transformer des terrains urbains inutilisés en jardins communautaires productifs.

  • À Turin, en Italie, l’équipe a converti des zones abandonnées des parcs Sangone et Piemonte en zones d’agriculture sociale, et a développé des potagers et des micro-jardins dans les écoles et les espaces publics.
  • À Dortmund, en Allemagne, une forêt autonome de 2 000 m2 a été créée par les habitants, avec un verger en permaculture sur place pour améliorer la fertilité du sol.
  • Au Pirée, en Grèce, l’une des municipalités les plus densément peuplées d’Europe, l’accent est mis sur les fermes urbaines, les corridors verts accessibles et les plantations destinées à la pollinisation.

À Zagreb, en Croatie, la ferme urbaine de ProGIreg, installée sur un ancien site de transformation de la viande, sert de prototype pour plusieurs stratégies d’agriculture durable : les murs verts, l’agriculture verticale et l’aquaponique.

L’aquaponie utilise l’eau riche en nutriments des réservoirs de poissons et de crustacés pour nourrir les plantes hydroponiques. En permettant aux agriculteurs de cultiver simultanément des légumes et des fruits de mer, elle offre aux communautés une sécurité financière et nutritionnelle. L’aquaponie ne nécessite aucun engrais et seulement quelques pesticides. On estime qu’elle permet de produire environ 10 fois plus de nourriture par hectare que l’agriculture traditionnelle.[13] Elle utilise 80 à 95 % d’eau en moins que l’agriculture en plein air et 75 % d’énergie en moins que l’agriculture mécanisée. Au niveau mondial, le secteur de l’aquaponie connaît une croissance exponentielle, passant d’une production évaluée à 300 millions de dollars en 2015 à une estimation de 2,5 milliards de dollars d’ici 2030.[14] [15]

Les murs verts, ou murs vivants, sont des bandes végétalisées de l’environnement bâti conçues pour accroître la biodiversité. Ils peuvent abriter une variété de plantes et de pollinisateurs et accueillir des jardins verticaux de fruits et d’herbes. Les murs verts favorisent également une réutilisation efficace de l’eau, les plantes étant capables de dissoudre les nutriments contenus dans les eaux légèrement polluées.

Dans un avenir de plus en plus chaud, les murs verts peuvent rendre nos communautés encore plus durables en refroidissant ou en réchauffant naturellement nos bâtiments. Pendant les mois d’été, on a constaté que les murs verts extérieurs réduisaient les températures de surface jusqu’à 12 ⁰C.[16] En hiver, à l’inverse, ils ajoutent une couche d’isolation, réduisant ainsi la demande de chauffage artificiel. L’évapotranspiration du feuillage peut également contribuer à contrer l’effet « d’îlot de chaleur urbain » des villes – des bassins d’activité humaine où les températures peuvent être de 3 à 4 ⁰C plus élevées qu’à la campagne.

À l’intérieur, c’est une histoire différente, mais tout aussi passionnante. Pour les murs verts, comprenez « agriculture verticale ». Qui a besoin d’un ensoleillement direct lorsque des lampes LED alimentées par des énergies renouvelables permettent de faire pousser des cultures à haute densité dans des colonnes empilées et efficaces ? L’agriculture verticale peut prospérer presque partout, des bâtiments aux tunnels souterrains en passant par les conteneurs d’expédition inutilisés. Le secteur représentait 1,72 milliard de livres sterling en 2018 et pourrait atteindre 9,84 milliards de livres sterling d’ici 2026, les États-Unis et le Japon ayant été les premiers à l’adopter.[17]

L’agriculture verticale au sein des communautés garantit non seulement des produits tout au long de l’année, mais élimine également les émissions de CO2 liées au transport des denrées alimentaires sur de longues distances. Les cultures peuvent être récoltées jusqu’à 15 fois par an et, grâce à un environnement contrôlé, elles peuvent rester fraîches pendant 13 ou 14 jours, contre trois ou quatre jours pour les produits cultivés de manière conventionnelle.[18]

Les fermes verticales sont déjà présentes sur le marché. La plus grande au monde, ECO1, située à Dubaï, produit actuellement plus de 900 tonnes de légumes par an, des épinards à la roquette, en utilisant 95 % d’eau en moins que les cultures de plein champ.

Au sein de l’installation Bustanica développée par Emirates Crop One, une co-entreprise entre Emirates Flight Catering, l’une des plus grandes entreprises de restauration au monde au service de plus de 100 compagnies aériennes, et Crop One, leader dans le domaine de l’agriculture verticale d’intérieur axée sur la technologie. Crédit photo : © Bustanica

La plus grande ferme verticale d’Europe est la Nordic Harvest, située près de Copenhague, au Danemark. Sur un site de 7 000 m2 où les plantes sont cultivées en 14 couches superposées, Nordic Harvest pourrait fournir jusqu’à 1 000 tonnes de nourriture par an lorsqu’elle sera pleinement opérationnelle.

Les possibilités de croissance du marché sont considérables, car seules certaines semences sont actuellement capables de germer à l’intérieur. Les généticiens élargissent actuellement ce répertoire de cultures pour y inclure les fruits et les légumes racines, gousses et graines. La société allemande de biotechnologie Bayer et la société d’investissement Temasek ont lancé la start-up Unfold en 2020, finançant le développement de nouvelles variétés de semences comestibles spécialement sélectionnées pour les fermes d’intérieur.[19]

En fait, il se peut que nous nous éloignions complètement de l’idée de quartier pour nous tourner vers les « agrihoods », c’est-à-dire des « communautés d’habitation aménagées selon un plan directeur et axées sur les exploitations agricoles ».[20] En règle générale, les quartiers agricoles combinent des espaces verts, des vergers, des serres, des cuisines collectives et des habitations équipées de panneaux solaires et d’usines de compostage.

Il existe déjà près de 150 « agrihoods » dans les banlieues des États-Unis et leur nombre ne cesse de croître.[21] Une ferme de sept acres à Détroit cultive plus de 30 fruits, légumes et herbes aromatiques différents pour les vendre sur les marchés locaux. Elle attire 40 à 50 volontaires chaque semaine en été.[22]

D’un point de vue mondial, nous observons des approches concurrentes de l’agriculture urbaine – des projets locaux de sécurité alimentaire dans les pays en développement aux moyens de subsistance à la mode dans les marchés matures. Ensemble, elles contribueront à établir les principes des meilleures pratiques à mesure que la notion de « communautés durables » gagnera du terrain dans le monde entier.

Toutefois, les pratiques durables ne seront adoptées que si la participation se fait à tous les niveaux de la société, depuis les voisins immédiats jusqu’aux plus hautes sphères du gouvernement.

Quand le pouvoir du peuple croise la puissance politique

Comme nous le voyons, les initiatives locales peuvent contribuer à maintenir la lumière allumée et à nourrir une population. Mais la création d’une communauté véritablement durable exige une approche plus holistique, de sorte que les initiatives locales s’étendent pour inclure des stratégies de conservation et de rénovation à grande échelle.

Certaines communautés s’unissent autour de projets de plantation massive d’arbres ou des nettoyages organisés de rivières et de ruisseaux. Ailleurs, des équipes de bénévoles qualifiés interviennent pour moderniser l’efficacité énergétique et l’isolation des bâtiments publics.

Mais la notion de communautés durables peut également englober des initiatives d’activisme comportemental telles que « Transition Streets/Towns » et les groupes d’action pour le rationnement du carbone (CRAG).

Les « Transition Streets/Towns » encouragent des modes de vie plus écologiques à un niveau hyperlocal, les voisins travaillant ensemble pour réduire la consommation d’énergie et les déchets ou collaborant à des programmes de covoiturage pour réduire leur empreinte carbone. Dans le cadre d’un des premiers projets mis en place dans le Devon, au Royaume-Uni, les membres ont réduit leurs émissions de carbone de 1,2 tonne par foyer et économisé environ 570 £/an sur les factures des ménages.[23]

Les CRAG, principalement présents aux États-Unis et au Royaume-Uni, sont des groupes informels d’organisations et d’individus soucieux de l’environnement qui conviennent d’une limite annuelle de CO2 par habitant, puis paient une pénalité financière pour toute émission générée au-delà de ce plafond.

Le soutien des pouvoirs publics est, bien entendu, indispensable à toute évolution vers des communautés durables. Le parcours du système britannique de tarif de rachat (« feed-in tariff », FIT), qui permet aux particuliers et aux entreprises d’être rémunérés pour la fourniture au réseau d’énergie provenant de petites sources renouvelables, illustre l’importance des politiques d’État.

Le gouvernement britannique a introduit le FIT en 2010 et, en l’espace de cinq ans, quelque 150 à 200 organisations énergétiques communautaires possédaient des équipements solaires, éoliens, hydroélectriques et de biomasse, injectant dûment leur excédent d’énergie dans le réseau. Mais l’essor des FIT s’est brusquement arrêté en 2015 lorsque le gouvernement a réduit le soutien aux projets d’énergie renouvelable à petite échelle. En 2017, le nombre de nouveaux groupes énergétiques communautaires créés chaque année est passé d’une trentaine à un seul.

L’enthousiasme pour ces initiatives locales reste élevé, mais le soutien politique est évidemment essentiel. Un récent sondage a révélé que 82 % des personnes interrogées estimaient que le gouvernement devrait faire davantage pour aider les communautés locales à produire leur propre énergie. Quelque 69 % d’entre elles ont estimé que le gouvernement devrait offrir des avantages fiscaux à toute personne suffisamment progressiste pour investir dans des projets énergétiques communautaires.[24]

Le soutien de l’État peut aider à catapulter des communautés durables, du concept de niche à un mouvement de masse. Ainsi, si nous reconnaissons la valeur d’une communauté durable, pourquoi ne pas élargir l’hypothèse à la ville durable ?

Le concept de « communauté » n’a pas de limite de taille

Que diriez-vous d’une ville où tout ce dont on a besoin se trouve à une courte distance, joignable à pied, à vélo ou en scooter électronique, ce qui permettrait d’économiser les émissions dues au transport ? Telle est la vision de la ville du quart d’heure (« 15 Minute City », FMC), dans laquelle tous les éléments essentiels à la vie (travail, magasins, écoles, soins de santé et loisirs) sont accessibles en moins d’un quart d’heure.

Ces « communautés complètes » nécessitent une approche sur plusieurs fronts, avec l’adhésion des planificateurs des transports, des concepteurs urbains et des décideurs politiques. Elles bénéficient également de la coopération des entreprises, les modèles de travail à domicile popularisés pendant la pandémie de COVID-19 étant rendus possibles par le déploiement généralisé de connexions à haut débit très rapides.

L’idée a connu un regain de popularité depuis 2020, lorsque la maire de Paris a proposé d’adopter les principes FMC dans la capitale française. Les FMC gagnent aujourd’hui en importance sur plusieurs continents. En Chine, des projets FMC sont en cours à Shanghai, Baoding et Guangzhou ; en Israël, Tel-Aviv ; en Italie, la communauté sarde de Cagliari ; aux États-Unis, Portland, Oregon ; en Amérique du Sud, Bogotá en Colombie  ; et en Australie, la capitale de l’État de Victoria, Melbourne.

Plutôt que de moderniser une ville pour s’adapter aux principes écologiques, qu’en est-il de la conception d’une communauté durable à partir de zéro ?

C’est la force motrice derrière Neom , la ville intelligente durable en cours de développement dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite. La ville de 26 500 km2 comprendra de multiples régions, notamment un complexe industriel flottant, un pôle commercial mondial et des stations touristiques – alimentés exclusivement par des énergies renouvelables.

Ce projet de plus de 500 milliards de dollars est financé par le fonds souverain de l’État saoudien et, une fois opérationnel, devrait atteindre l’autosuffisance. Neom, dont l’achèvement est prévu pour 2039, comprendra 16 000 acres de champs agricoles consacrés à des cultures génétiquement modifiées à haut rendement. Des contrats ont été attribués pour la construction d’une centrale solaire de 2 930 MW, d’un parc éolien de 1 370 MW, d’un système de stockage d’énergie par batterie de 400 MW ainsi que d’un réseau de transport d’électricité d’environ 190 km.

Neom, dont la taille est 33 fois supérieure à celle de la ville de New York, pourrait à terme abriter une population de quelque neuf millions de personnes. Et ce sont bien sûr les personnes, avec leurs compétences et leurs ambitions, qui porteront la vision de la communauté durable vers de nouveaux sommets.

Nous sommes des animaux sociables, partageant un destin commun

Nous manquerions de perspicacité si nous négligions le potentiel de la « communauté » lorsque nous nous attaquons au problème existentiel de la durabilité, d’autant que nous serons plus nombreux que jamais à relever les défis de la vie urbaine dans les années à venir.

Actuellement, quelque 2 milliards de personnes vivent en milieu urbain.[25] La moitié d’entre elles vivent dans des zones considérées comme des « bidonvilles ». Pourtant, notre instinct nous pousse à nous regrouper, alors que les populations urbaines devraient doubler pour atteindre 4 milliards de personnes au cours des deux prochaines décennies.

En pensant globalement et en agissant localement, nos communautés pourraient s’avérer essentielles pour atteindre les 17 objectifs de développement durable des Nations unies d’ici 2030. Les objectifs comprennent : l’éradication de la faim et de la pauvreté, ainsi que la fourniture d’eau potable, d’assainissement et d’énergie verte pour tous.[26]

L’ODD 11 vise en particulier à « rendre les villes et les colonies humaines inclusives, sûres, résilientes et durables ». Il reconnaît les disparités de qualité de vie qui existent dans les villes, plus particulièrement pour le milliard de citadins pauvres qui vivent dans des « établissements informels » et qui sont en concurrence pour des services, des infrastructures, des emplois, des terrains et des logements abordables déjà surchargés.

Les objectifs de l’ODD 11 comprennent l’accès à des systèmes de transport sûrs, abordables et durables pour tous, la réduction du nombre de décès et des pertes économiques causées par les catastrophes, et la réduction de l’impact environnemental des villes par habitant, en particulier la qualité de l’air et les déchets.

Le rapport des Nations unies de l’année dernière sur les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable a révélé des avancées mitigées.[27]

  • La qualité de l’air est désormais surveillée dans un nombre record de villes (plus de 6 000 dans 117 pays), mais elle reste inférieure aux normes dans le monde entier. Malgré une diminution globale des particules en suspension dans l’air, 99 % des citadins vivent encore dans des zones où la qualité de l’air est inférieure à 5 mg/m3, conformément aux nouvelles lignes directrices de l’OMS. Les habitants des pays en développement restent touchés de manière disproportionnée, puisqu’ils représentent 91 % des 4,2 millions de décès prématurés dus à la qualité de l’air.
  • Près des deux tiers des pays disposent désormais de stratégies locales de réduction des risques de catastrophe, soit près du double du chiffre de 2015. Les pays ont commencé à aligner la réduction des risques de catastrophe et l’adaptation au changement climatique au niveau local, mais une approche multirisque du renforcement de la résilience est toujours jugée nécessaire compte tenu des risques en cascade.
  • En 2020, seules 37 % des zones urbaines étaient desservies par les transports publics et, d’ici 2030, le nombre de voitures en circulation devrait doubler par rapport aux niveaux de 2015. Selon le rapport, les gouvernements doivent encore relever un défi de taille : augmenter la disponibilité de systèmes de transport public sûrs, fiables et efficaces.
  • Si elles ne sont pas collectées ou traitées, les ordures urbaines peuvent devenir un foyer de maladies et d’émissions de gaz à effet de serre. En 2022, 82 % des déchets en moyenne étaient collectés dans le monde, et plus de la moitié d’entre eux étaient gérés dans des installations contrôlées. Certaines régions d’Afrique sub-saharienne et d’Océanie ont un taux de collecte moyen inférieur à 60 %, ce qui montre que des investissements importants sont encore nécessaires dans les infrastructures de gestion des déchets.

Le secteur privé peut ouvrir la voie à une société mondiale à l’épreuve du temps, ancrée dans un réseau de communautés durables. Le capital privé est un capital patient, dont les calendriers fonctionnent indépendamment des cycles politiques et de la pression exercée par les actionnaires externes pour obtenir les rendements du trimestre suivant.

Chez Abdul Latif Jameel , nous voulons jouer notre rôle dans cette transition vers le développement durable.

Almar Water Solutions, qui fait partie d’Abdul Latif Jameel Energy and Environmental Services, produit de l’eau à usage humain et industriel via des usines de pointe de dessalage, traitement et recyclage des eaux usées, y compris l’usine Shuqaiq 3 en Arabie saoudite, l’une des plus grandes usines de dessalage du Moyen-Orient. Alors que le Jameel Water and Food Systems Lab (J-WAFS), cofondé par la Communauté Jameel et le MIT en 2014, étudie les techniques permettant de nourrir et d’assurer la subsistance d’une population mondiale en constante augmentation.

Fady Jameel
Fady Jameel,

président délégué et vice-président d’

Abdul Latif Jameel

Abdul Latif Jameel contribue également au développement de communautés plus durables en élargissant l’accès à l’énergie verte. Outre les projets pionniers de stockage de batteries de FRV-X, FRV s’efforce de garantir une énergie propre abordable pour tous, avec un portefeuille croissant de projets solaires, éoliens, de stockage d’énergie et d’énergie hybride à travers le Moyen-Orient, l’Australie, l’Europe et l’Amérique latine.

« Construire des communautés adaptées au XXIsiècle signifie construire des communautés durables et autonomes », déclare Fady Jameel, président adjoint et vice-président d’Abdul Latif Jameel.

« Grâce à la puissance de nos capitaux privés et à l’innovation sans limite de nos collaborateurs internationaux, nous contribuons à faire en sorte que le concept pionnier des communautés durables passe de la planche à dessin au quartier.

Au sein des communautés durables, nous pouvons profiter de notre vie en sachant que nos maisons seront chauffées, nos familles nourries et nos entreprises alimentées en énergie, et que les générations futures qui hériteront de la planète que nous laissons derrière nous bénéficieront de ces mêmes privilèges. »

 

[1] https://dnr.wisconsin.gov/climatechange/science#

[2] https://www.bbc.co.uk/news/newsbeat-48947573

[3] https://www.who.int/health-topics/climate-change

[4] https://www.unep.org/interactive/six-sector-solution-climate-change/

[5] https://www.rapidtransition.org/stories/reclaiming-power-the-rapid-rise-of-community-renewable-energy-why-the-added-benefits-of-local-clear-power-can-help-accelerate-transition/

[6] https://www.rapidtransition.org/stories/reclaiming-power-the-rapid-rise-of-community-renewable-energy-why-the-added-benefits-of-local-clear-power-can-help-accelerate-transition/

[7] https://www.repowering.org.uk/

[8] https://ovesco.co.uk/

[9] https://www.brightonenergy.org.uk/

[10] https://www.rapidtransition.org/stories/reclaiming-power-the-rapid-rise-of-community-renewable-energy-why-the-added-benefits-of-local-clear-power-can-help-accelerate-transition/

[11] https://www.worldwildlife.org/stories/local-communities-are-key-to-equitable-sustainable-food-systems

[12] https://progireg.eu/the-project/

[13] https://inmed.org/aquaponics-farming-facts/

[14] https://fish20.org/images/Fish2.0MarketReport_Aquaponics.pdf

[15] https://www.globenewswire.com/en/news-release/2023/02/16/2609905/0/en/Aquaponics-Market-Size-Worth-USD-2-464-29-Million-by-2030-at-14-1-CAGR-Report-by-Market-Research-Future-MRFR.html

[16] https://earth.org/data_visualization/green-walls-in-an-increasingly-urban-world/

[17] https://www.fwi.co.uk/arable/crop-management/why-vertical-farming-is-growing-in-the-uk

[18] https://www.weforum.org/agenda/2022/05/vertical-farming-future-of-agriculture/

[19] https://www.accenture.com/us-en/blogs/chemicals-and-natural-resources-blog/vertical-farming

[20] https://www.yesmagazine.org/social-justice/2019/11/05/food-community-detroit-garden-agriculture

[21] https://www.weforum.org/agenda/2018/04/rich-millennials-are-ditching-the-golf-communities-of-their-parents-for-a-new-kind-of-neighborhood

[22] https://www.yesmagazine.org/social-justice/2019/11/05/food-community-detroit-garden-agriculture

[23] https://www.theguardian.com/lifeandstyle/2014/apr/25/transition-streets-growing-success-communities-conserve-energy

[24] https://www.rapidtransition.org/stories/reclaiming-power-the-rapid-rise-of-community-renewable-energy-why-the-added-benefits-of-local-clear-power-can-help-accelerate-transition/

[25] https://www.worldbank.org/en/topic/sustainable-communities

[26] https://sdgs.un.org/goals

[27] https://unstats.un.org/sdgs/report/2022/The-Sustainable-Development-Goals-Report-2022.pdf